Ça pourrait être le titre d’un film de Rohmer (pour qui se souvient de l’insolite L’Arbre, le Maire et la Médiathèque). Mais c’est un documentaire dont il s’agit.
Dans Célébration, d’Olivier Meyrou, nous suivons les derniers jours de la maison Yves Saint Laurent, sous la baguette du Maître. Discrètement et en amie, la caméra suit l’intimité d’Yves Saint Laurent et sa relation tumultueuse avec la création. Ce sont ses derniers moments et on devine que, peu à peu, son corps décharné et malade l’emporte loin. Dans les coulisses, son compagnon d’âme et d’armes, Pierre Bergé, surveille et régente.

Et c’est précisément lui qu’on découvre orchestrant tout au long du film une myriade de personnages hauts en couleur : Monette, Loulou de la Falaise, Nina, Betty Catroux, Madame Colette, Monsieur Jean-Pierre, Katoucha, Dominique Deroche… On réalise ainsi que ce sont des dizaines et des centaines d’hommes et de femmes, de métiers et de compétences qui sont au service d’un homme. Et bien que le monde qu’il a créé appartienne désormais au passé, tous vouent à cet homme encore une émouvante admiration et une touchante déférence.
D’un côté, il y a la vision, l’inspiration et l’intuition sur l’avenir qu’incarne Saint-Laurent. De l’autre, il y a le chef organisateur, celui qui distribue les ressources et qui décide de l’intendance : Bergé.
L’alliance entre le visionnaire et l’intendant: serait-ce la clé du succès ?
Dans son lumineux article du Huffington Post, Jean-Baptiste Duval place Yves Saint Laurent et Pierre Bergé dans la lignée d’une série d’illustres power couples tels Steve Wozniak et Steve Jobs (co-fondateurs d’Apple en 1976), Larry Page et Sergey Brin (Google), ou encore Augustin Paluel-Marmont et Michel de Rovira (Michel et Augustin). Le monde des grandes entreprises est plein de ce genre d’alliances entre un génial créateur et un pragmatique hors pair, rappelle-t-il.
Le monde des collectivités publiques n’en est pas si éloigné, me semble-t-il. Au sommet de la ligne hiérarchique, nos organisations pyramidales sont orchestrées par un binôme Directeur général des services/Maire ou DGS/Président qui en théorie a tout de ces ingrédients. L’exécutif propose la vision et inspire le territoire et ses citoyens ; le DGS en pilote l’exécution.
Ce faisant, le DGS a la responsabilité de servir le projet politique en œuvrant à faire correspondre le réel avec la vision. Et ce n’est rien de moins que ce que Pierre Bergé confie à la caméra, quand on l’interroge sur l’audace des premières créations de la maison de couture. Il faut être soi-même le premier convaincu, explique-t-il sans ambages, sinon personne d’autre ne le sera. Et c’est fort de cette conviction que la maison Saint Laurent a à jamais transformer les codes de la mode, en les faisant évoluer et en les ancrant dans la réalité des femmes contemporaines.
C’est le même sort qu’on peut souhaiter à nos organisations qui, heureusement, sont en bonne voie.
Célébration, un documentaire d’Olivier Meyrou (2007)
